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jeudi 21 janvier 2016

441-LE CIMETIÈRE DU CHÂTEAU DE LA VILLE DE NICE-PROJET PÉDAGOGIQUE-16




- AURILI Riccardo (1864-1943), Floreal, date (?),
sculpture en galvanoplastie sur terre cuite à patine brune, signée et titrée, H : 50,5 cm,
Collection particulière, vente Camard et Associés, Paris, 2012.



RICCARDO AURILI (1864-1943) ET RAFFAËLLO ROMANELLI (1856-1928)




Raffaëllo Romanelli, fils du sculpteur Pasquale Romanelli (1812-1887), naît à Florence en 1856. Riccardo Aurili naît pour sa part en 1864 à Bibbona, à une centaine de kilomètres de Florence et il est le fils de Lorenzo Aurili. Ce sont deux jeunes toscans qui étudient par la suite la sculpture à l'Académie des Beaux-Arts de Florence où ils ont pour professeurs Augusto Rivalta (ca.1835/1838-1925) et Emilio Zocchi (1835-1913). Sont-ils étudiants en même temps ? Il est difficile de le dire mais il est probable que non, du fait de leur huit ans d'écart. Ils font certainement connaissance au début des années 1880, période où Riccardo fait ses études à l'Académie et où Raffaëllo commence à devenir un sculpteur florentin reconnu en Italie.

Raffaëllo Romanelli devient par la suite (comme son père avant lui), professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Florence où il a été élève (fin du XIX° siècle). En 1889, il représente l'Italie à Paris, comme membre du jury du Salon des Beaux-Arts de l'Exposition Universelle. Dès les premières années du XX° siècle, Raffaëllo Romanelli entame une carrière internationale (jusqu'à sa mort), notamment en Roumanie, en Russie et aux Etats-Unis. Le "San Francisco Examiner" écrit, le 11 juin 1915"qu'il est à l'Italie ce que Rodin est à la France".


- ROMANELLI Raffaëllo (1856-1928), Benvenuto Cellini, 1900,
buste de bronze du célèbre sculpteur (1500-1571) de la Renaissance italienne, 
placé au centre du Ponte Vecchio de Florence et inauguré en 1901.


En ce qui concerne Riccardo Aurili, mes dernières recherches et le contact, pendant ces vacances de Noël 2015 avec une descendante du sculpteur, me permettent de préciser quelques éléments de la biographie de ce dernier. 

Il semble que Riccardo quitte Florence vers 1884 (à vingt ans) pour Bruxelles où il travaille pendant plusieurs années pour la firme Carli Frères et y réalise des modèles destinés à une édition en série. Il fait, dans cette ville, la connaissance de Elisa Charlotte van Humbeeck qu'il épouse vers 1889 et déménage avec elle pour Paris en 1890 (toutes ces hypothèses ont été corrigées dans la suite de la recherche). Ils ont là quatre enfants, Aurelio en 1890, Natalia en 1891, Atala en 1893 et Brunetta en 1894. Ils semblent résider successivement à Levallois-Perret (adresse citée en 1894), 2, rue Aumont-Thiéville (adresse citée en 1896) puis 7, rue Daguerre (adresse citée en 1901 et 1902) et enfin, Villa Corot, 2 rue d'Arcueil (adresse citée en 1903).

A Paris, Riccardo continue de créer des modèles en plâtre pour des tirages numérotés en série, édités dans des matières (plâtre, terre cuite, zinc, étain, bronze), des apparences (peinture, patine) et des dimensions différentes (de 25 à 115 cm environ). Il réalise des objets décoratifs, des statuettes et des bustes (albâtre, marbre), aux sujets majoritairement bibliques et mythologiques (divinités, allégories), à côté de portraits, de nus et de quelques scènes de genres réalistes. 

Il expose au Salon annuel de 1893, 1894 et 1896, à l'Exposition Universelle de 1900 (Invalides) puis aux Salons de 1901, 1902 et 1903. A ce dernier Salon de 1903, le sculpteur florentin Alberto Aurili qui expose également semble être son frère et élève. Riccardo participe également à d'autres expositions, notamment à celle de Charenton où il obtient la médaille d'or en 1903 (cf. Gallica, "Le Journal" du 11 mai 1903 p 6).


 - AURILI Riccardo (1864-1943), L'Amour qui blesse, 1902,
cette figure de Cupidon dont le modèle a été exposé lors du Salon des Artistes Français de 1902, au Palais des Champs-Elysées (Grand Palais), a été fondue en différentes matières (alliages à base d'étain ou de zinc), et en différentes dimensions (de gauche à droite : 60 cm, 80 cm, 115 cm), voire apparences (patine, dorure).
Les épreuves sont signées "Rdo. Aurili France" sur le socle et une inscription précise également sur la base ou sur une plaque, "Par Aurili Salon des Beaux-Arts 1902".


Du fait d'un procès (1902-1904) engagé à tort contre Riccardo Aurili pour contrefaçon (cf. Gallica, "Le Droit d'Auteur" du 15 novembre 1904 p 138, et "La France Judiciaire" de 1904, Partie 2, pp 318-319), nous apprenons que deux modèles, créés par lui en 1899 et présentés à l'Exposition Universelle de 1900, une statuette de Gladiateur et un buste de Flore, ont été édités par les Ateliers Ettlinger Frères (9 rue Saint-Anastase) et vendus par les magasins de Marmotte (37 rue de Châteaudun) et de Khan (10 rue de la Chaussée d'Antin). 
Nous savons également que certaines de ses oeuvres (cf. Gallica, "Revue Illustrée" du 15 mai 1904 et l'image ci-dessous) sont vendues par les magasins "Au Vase de Sèvres" (15 boulevard Montmartre et 95 avenue des Champs-Elysées).


- AURILI Riccardo (1864-1943), Hébé, vers 1903-1904.
Dans la Revue Illustrée du 15 mai 1904, on peut lire que cette oeuvre qui appartient au magasin de M. Chéron ("Au Vase de Sèvres", Paris) a été exposée au Salon des Artistes français (année ?) et "est une aimable composition d'un harmonieux ensemble", Jacques de Ploeug.


Vers 1904-1905, à 40 ans, Riccardo Aurili retourne vivre à Florence, accompagné de sa famille. Il est probable que c'est l'obtention d'un poste de professeur à l'Académie des Beaux-Arts de la ville, aux côtés de Raffaëllo Romanelli, qui motive ce retour. 

C'est lors de cette nouvelle période florentine (vers 1904/1905-1915) que date certainement la Baigneuse ou Sortie de bain (thème ancien et récurrent chez l'artiste), réalisée en collaboration par les deux professeurs, souvent intitulée, Femme nue se séchant, assise sur une jardinière, et portant la signature et l'inscription suivantes : "Profe R.Aurili - Eseguita sotta la direzione del Prof. R.Romanelli". 


- AURILI Riccardo (1864-1943) et ROMANELLI Raffaëllo (1856-1928), Femme nue se séchant, assise sur une jardinière,
 vers 1905-1915 (?),
marbre blanc (figure), marbre blanc (socle), marbre jaune veiné de mauve (jardinière),
 83,5x70x46 cm, Collection particulière (vente Sotheby's, 2014).


En 1914, le Professore Riccardo Aurili réalise puis inaugure en novembre de la même année, le Monument funéraire du cycliste Luigi Fiaschi, au Cimetière des "Porte Sante" de Florence, non seulement en tant que sculpteur florentin mais peut-être également en tant qu'admirateur, voire ami, de Luigi Fiaschi (1889-1914, de la famille du sculpteur florentin Emilio Fiaschi 1858-1941 ?). Riccardo Aurili est déjà l'auteur, au Salon parisien de 1893, du buste de M. Corre, champion vélocipédiste, et il est probablement un adepte de ce sport, "L'Almanacco Italiano" citant en 1896 le cycliste "Riccardo Aurili" qui a réalisé, en août 1895, Florence-Paris en 6 jours 14 heures et 15 minutes (après vérification, il s'agit bien du sculpteur : cf. La Storia del Ciclismo in Toscana et cf. aussi El Deporte Velocipedico, n° 23 de juillet 1895 p 14 sur "Hemeroteca Digital").


- AURILI Riccardo (1864-1943), Monument funéraire de Luigi Fiaschi (1888-1914), 1914,
Firenze, Cimitero delle Porte Sante,
marbre et bronze, H : 2,50 m, un buste du cycliste domine une stèle de pierre timbrée d'une plaque de bronze ornée d'une jeune femme en bas-relief offrant des roses en souvenir du défunt,
article de La Stampa Sportiva, n° 44, novembre 1914, p 14.
Luigi Fiaschi a eu une fin dramatique, poignardé par un homme ivre, à la suite d'une dispute.
L'article signale que Riccardo Aurili est présent à l'inauguration, accompagné de sa femme et de son ami Pietro Morandi.


Les monuments funéraires de Riccardo Aurili ne se limitent certainement pas au seul exemple ci-dessus et il serait intéressant de rechercher d'autres oeuvres signées de lui dans les cimetières de Florence et d'autres villes de Toscane (ceci sera peut-être l'objet d'un prochain voyage...).

En 1915, Riccardo Aurili quitte Florence (à 50 ans) pour s'installer à Nice où il s'associe avec un parent (Ernest(o) Aurili), avant d'ouvrir sa propre boutique de bibelots, "Aux Arts Florentins" et habiter une adresse à double entrée (n°1 avenue Désambrois - n° 2 boulevard Dubouchage) où il loge également et conserve un atelier pour son activité de sculpteur-statuaire. 
On peut s'interroger sur la raison qui l'a poussé à quitter son emploi de professeur à l'Académie de Florence mais cette dernière n'est peut-être pas professionnelle mais personnelle, lorsque l'on sait que son fils Aurelio meurt à la guerre, âgé de 25 ans, cette année-là.(toutes ces hypothèses ont été corrigées dans la suite de la recherche).

Riccardo va résider à Nice jusqu'en 1932, ce que nous révèlent les Annuaires niçois de l'époque (Archives départementales 06, numérisés et en ligne). Le fait que, dans ces annuaires, son nom ne soit précédé de la mention de "Professeur" qu'à partir de 1926, alors qu'il ne semble plus enseigner, peut être éclairée par le fait que, le 1er mai 1919, l'Académie des Beaux-Arts de Florence (l'Academia delle Arti del Disegno di Firenze) l'a élu "Académicien honoraire".

Quelques oeuvres de cette période niçoise sont d'ailleurs signées "Profe. Rdo Aurili Nice", notamment deux sculptures funéraires non datées, l'une au Cimetière de Digne (Tombe de la Famille J.M.) constituée d'un portique dorique à six colonnes, l'autre au Cimetière du Château (Tombe de Georgette F., décédée en 1918) qui semble sa réalisation de la plus grande ampleur, et un Buste de femme, daté lui de février 1923.



- AURILI Riccardo (1864-1943), Tombe Georgette F., vers 1918-1925,
Espérance (femme vêtue, assise, en prière, tête tournée vers le ciel), Ange (femme à la lampe, devant le tombeau vide) et Douleur (femme nue, assise et prostrée), vers 1918-1925, 
marbre, tombeau des familles Georgette F., M.-F., D., A-C, 
photographie de François Ede de 1984 (carnet de tournage du film d'Oliveira).

- AURILI Riccardo (1864-1943), Buste de Femme, 1923,
albâtre roux marbré de noir, buste sur socle signé au dos "Prof. Aurili" et daté sur le socle, "Février 1923 Noces d'argent/Hommage familial",
photographie Weschler's Auctionners, Washington.



A une date proche de celle où Riccardo Aurili réalise la Tombe Georgette F. au Cimetière du Château, Raffaëllo Romanelli réalise la Tombe de la Famille L., vers 1922, dans la partie israélite du même Cimetière niçois. La famille concernée a-t-elle contacté le sculpteur florentin ? Riccardo a-t-il joué les intermédiaires ? Difficile d'y voir le seul jeu du hasard. De plus, c'est à nouveau une femme assise et drapée, tête levée et mains jointes, qui est sculptée, image allégorique de la Foi et de l'Espérance, adossée à l'une des colonnes brisées d'un portique... Une plaque révèle les adresses de Rafaëllo à Florence (atelier toujours en activité en 2016) et Saint-Pétersbourg.



- Portrait de Raffaëllo ROMANELLI (1856-1928) dans son atelier de Florence, avant 1920 (?). 

- ROMANELLI Raffaëllo (1856-1928), Tombeau de la Famille Ioseph et Isabelle L., Nice, Cimetière du Château, vers 1922 (date du décès d'Isabelle L.), 
portique de marbre à l'entablement et aux colonnes brisées, dominé par des sphinx et accompagné de la figure de l'Espérance ou de le Foi.


- ROMANELLI Raffaëllo (1856-1928), Tombeau de la Famille Ioseph et Isabelle L., vers 1922,
détail de la figure de l'Espérance ou de le Foi.


- ROMANELLI Raffaëllo (1856-1928), Tombeau de la Famille Ioseph et Isabelle L., vers 1922 ?,
détail de la figure de l'Espérance ou de la Foi et détail de la signature et des adresses du sculpteur.



Raffaëllo Romanelli décède en 1928 (à 72 ans) et son fils Romano (1882-1968) lui succède à la tête de l'atelier florentin. Riccardo Aurili, pour sa part, quitte Nice en 1932 pour installer sa boutique et son atelier à 25 kms de là, à Villeneuve-Loubet (Route nationale, Quartier des Groules) et Antibes (12 avenue Muterse). Il réalise en 1935, pour la ville d'Antibes le Monument commémoratif à Albert Ier de Belgique (1875-1934). Il décède quelques années plus tard, en 1943 (à près de 79 ans).