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jeudi 24 octobre 2013

162-LES SEPT PÉCHÉS CAPITAUX DANS L'ART

Grégoire le GrandMoralia in Job, Liste des vices, XII° siècle, Vendôme, BM, manuscrit 48, f. 241v.


INTRODUCTION

La liste des péchés capitaux, absente de la Bible, a été dressée par le moine Cassien au V° siècle (liste de 8 péchés) puis mise au point par le pape Grégoire le Grand à la fin du VI° siècle (8 péchés). 

Grégoire décrit l'armée nombreuse des vices menaçant la citadelle de l'esprit humain ; les soldats ont à leur tête l'Orgueil (Superbia) et ses sept lieutenants : la Vaine-Gloire (Vana Gloria), l'Envie-Médisance (Invidia), la Colère (Ira), la Tristesse-Acédie (Paresse) (Acedia), l'Avarice (Avaritia), la Gourmandise (Gloutonnerie) (Gula) et la Luxure (Luxuria). 

Le septénaire des vices de Grégoire va influencer tout le Moyen-âge et au-delà.
 
La liste actuelle de sept péchés (sans la Vaine-Gloire) est fixée au début du XIII° s. Il faut noter cependant que les représentations présenteront une liste souvent plus fournie, incomplète ou légèrement différente.


Traité des vertus et des vices (compilation de deux traités carolingiens), Orgueil et tous les vices, première moitié du XI° siècle,
 manuscrit enluminé à Moissac, Paris, BNF, lat. 2077, f.163.


ICONOGRAPHIE MÉDIÉVALE

1/Les vices et les vertus

-Les combats

La représentation du septénaire apparaît seulement au IX° siècle. Du IX° au XI° s., les péchés capitaux apparaissent parmi d'autres vices, sous formes de personnifications combattant les allégories féminines des vertus (influence du texte de Prudence, Psychomachie, V° s.). 

Par la suite, les vices sont parfois représentés individuellement sous forme de monstre, ou collectivement avec sept dragons sortant de la bouche de l'Homme Mauvais ou avec sept têtes d'un seul monstre (Bête de l'Apocalypse, Hydre de Lerne).


Prudence, Psychomachia, Patience affrontant Colère, manuscrit du Nord de la France, XI° siècle, Valenciennes, BM, ms. latin 412, f.8v. 


Portail central de la façade occidentale de l'église d'Aulnay-de-Saintonge (Charente-Maritime), milieu du XII° siècle,
voussure sculptée du Combat des Vices et des Vertus, détail montrant la victoire d'Humilitas (Humilité) terrassant Superbia (Orgueil)
 et de Largitas (Charité) terrassant Avaricia (Avarice).


-Les saynètes

A partir du XII° siècle, quelques vices sont identifiables grâce à des petites scènes montrant un personnage avec des attributs distinctifs. 

Quatre des péchés capitaux sont nettement identifiés : 

- l'Avare, par un homme avec sa bourse autour du cou ; 

- la Luxure, par une femme nue aux parties sexuelles mordues par des serpents et des crapauds puis, dès le XIII° siècle par une femme vêtue se regardant dans un miroir ;

- plus rarement, on trouve la Gloutonnerie évoquée par un homme s'étouffant avec un pain énorme

- ou la Médisance-Envie avec un personnage avec des serpents sur la langue. 


Cathédrale Notre-Dame de Paris, rose de façade occidentale, XIII° siècle (vers 1225),
 partie supérieure du vitrail mettant en parallèle les médaillons de vices et des vertus,
 détails de la Luxure et de l'Avarice.


-Les échelles, roues et arbres

Au XII° siècle, apparaissent d'autres mises en scène des vices et des vertus, notamment sous la forme d'échelles (conduisant au ciel ou en enfer) (influence du texte de Jean Climaque, l'Echelle sainte, VII° s.), de roues, de chars mais également d'arbres. 

1. Le diable sous forme de dragon attendant les chutes (l'Orgueil).
2. La femme attirée par les parures et beaux édifices et chevalier attiré par les chevaux, les armes et les soldats à commander (l'Envie).
3. La moniale attirée par un jeune clerc lui faisant miroiter de l’argent (la Luxure).
4. Le prêtre attiré par les bons mets et sa concubine qui lui fait signe (la Gloutonnerie et la Luxure).
5. Le moine mendiant attiré par un panier de pièces d’argent (l'Avarice).
6. Le moine attiré par son lit (la Paresse).
7. Un ermite, négligeant la prière, privé de paradis (la Paresse).
8. Les anges protégeant une chrétienne qui n’a pas péché contre les démons.

L'Arbre aux Vices a l'Orgueil pour racine. Les péchés ne sont la plupart du temps seulement évoqués que par leur nom mais de petites scènes accompagnent ces derniers à partir de la fin du XIV° siècle.
  

Verger de Soulas, L'Arbre des vices, vers 1300, Paris, BNF, ms. fr. 9220, f. 6.


-La chevauchée des vices

De la fin du XIV° s. à la fin du XVII° s. se met en place (essentiellement dans la peinture murale de la fin du XV° s.), parallèlement à un registre des vertus, un registre des vices personnifiés (avec leurs attributs) chevauchant un animal emblématique. Ils sont tous enchaînés par le cou et tirés par des démons vers la Gueule de l'Enfer (et tous châtiés au registre inférieur).

- L'Orgueil est évoqué par un roi ou un seigneur chevauchant un lion ; 

- l'Avarice par un marchand ou bourgeois tenant une bourse et chevauchant un singe ou un blaireau ; 

- la Luxure par une femme au miroir, élégante et impudique, découvrant une jambe nue et chevauchant une chèvre ou un bouc, ou bien par un homme chevauchant un singe ; 

- la Colère par un jeune homme se poignardant ou assassinant, monté sur un léopard ou un sanglier ; 

- la Gloutonnerie, par un obèse tenant viande et pichet de vin, monté sur un porc ou un loup, voire un ours ; 

- l'Envie par un homme (décharné aux bras croisés) monté sur un chien ; 

- l'Acédie (Paresse) par un paysan prostré sur un âne ou une femme oisive.


Chapelle Notre-Dame-des-Grâces de Plampinet (Hautes-Alpes), Les Vertus et les Vices, mur nord, peintures murales de la seconde du XV° siècle.


 Vincent de Beauvais, Miroir Historial, Allégorie des sept péchés capitaux, 1463,
 Paris, BNF, Manuscrit Français 50, f.25.




2/La représentation des vices en Enfer


Les péchés capitaux se retrouvent également dans les scènes du Jugement Dernier, dans les représentations de l'Enfer (en parallèle à celles du Paradis) qui se développent dans l'art roman (XI°-XII° s.). 

Les damnés, condamnés à l'Enfer, se retrouvent engloutis par la gueule léonine du Léviathan et torturés éternellement par des démons. 


Tympan sculpté du portail de l'église abbatiale de Conques (Aveyron), milieu du XII° siècle.


Seul, au XII°, le portail de Conques semble montrer le septénaire complet mais seuls cinq des péchés sont nettement identifiables : 

- l'Orgueil avec un noble chevalier précipité de son cheval ; 

- la Luxure, avec un couple luxurieux encordé ; 

- l'Avarice avec un homme pendu portant une bourse au cou ; 

- la Médisance (l'Envie) avec un personnage dont un démon tire la langue pour la trancher ;

- la Gloutonnerie, avec un homme au ventre rond jeté dans une marmite bouillante.


Partie droite du portail de Conques montrant les damnés en Enfer.


A la fin du Moyen-âge, la représentation de l'Enfer prend une plus grande importance, avec un net compartimentage de six ou de sept des péchés capitaux. 

- L'Orgueil est incarné par Satan ; 

- l'Avarice est représentée par un homme gavé de pièces fondues ; 

- la Luxure par un couple lié, fouetté ou lacéré ; 

- la Colère par des hommes se battant, se dévorant leur propre main ou se suicidant à l'arme blanche ou par pendaison ; 

- la Gloutonnerie par des hommes privés de nourriture devant une table garnie ou gavés de plats ou de bêtes immondes, voire d'excréments ; 

- l'Envie par des personnages angoissés et attaqués par les démons 

- et la Paresse par des hommes prostrés et attaqués (ces deux derniers péchés sont moins facilement identifiables mais accostés comme les autres péchés capitaux par des inscriptions latines les désignant). 

Le châtiment est adapté à la faute, révélant l'application d'un véritable système pénal dans l'au-delà. Face à ces représentations violentes, le chrétien fait un examen de conscience, s'identifie par ses péchés aux damnés et est conduit à la confession de ses fautes et à la pénitence.



Taddeo di Bartolo (1363-1422), Le Jugement Dernier, L'Enfer, 1393-1413,
 détail de la fresque de la nef de la collégiale de San Gimignano (Italie).



ICONOGRAPHIE MODERNE ET CONTEMPORAINE



MANTEGNA Andrea (c.1431-1506), Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu, c.1500-1502,
tempera et huile sur toile, 160x192 cm, Paris, Musée du Louvre.

MANTEGNA Andrea (c.1431-1506), Minerve chassant les Vices du jardin de la Vertu, c.1500-1502,
détail du tableau montrant notamment : à gauche l'Oisiveté (sans bras) attachée et tirée par l'Inertie (la Paresse), au centre, une Vénus sensuelle montée sur un centaure (la Luxure) et à droite, l'Avarice et l'Ingratitude portant l'Ignorance couronnée. Le message allégorique moral et religieux est ainsi délivré sous les atours de l'Antique.



MAÎTRE DE L'ALBUM SLOANE (Ecole italienne), Saint Michel combattant le démon, premières années du XVI° siècle,
Album Bonfiglioli-Sagredo-Rotshchild, recueil de dessins 853DR/Verso, folio 8, portefeuille 24,
Paris, musée du Louvre, département des arts graphiques.




ECOLE DE Jérôme BOSCH, Les sept péchés capitaux et les quatre dernières étapes humaines, première moitié du XVI° siècle, huile sur bois, 120x150 cm, Madrid, Museo del Prado, avec détail de l'Envie et de la Paresse.



BRUEGHEL L'ANCIEN Pieter (c.1526-1530-1569), Série de huit dessins des Sept péchés capitaux et du Jugement Dernier, 1556-1557, gravés par COCK Hieronymus en 1558, 22,5x29,5 cm, Bruxelles, Bibliothèque Royale, Cabinet des Estampes.
Ira (la Colère), est ici le prétexte à montrer et détailler les désastres de la guerre.



DIX Otto (1891-1969), Les sept péchés capitaux, 1933,
 technique mixte sur bois,179x120 cm, Staatliche Kunsthalle Karlsruhe
(le tableau utilise les allégories du péché pour caractériser Hitler et le régime nazi et faire ainsi une caricature politique).

Au premier plan, nous observons une vieille femme qui se penche pour ramasser des pièces de monnaie sur le sol ; c’est l’avarice. 

Sur son dos, un nain (ou un jeune garçon ?) masqué d’un visage hystérique ; c’est l’envie. Les moustaches d’Hitler n’ont été rajoutées sur ce masque qu’après la fin de la guerre. 

La paresse est représentée par le troisième personnage, central, qui arbore un costume de squelette tout en portant une faux. En fléchissant les genoux et les bras, ce personnage symbolique de la mort fait référence à la svastika nazie. La paresse est mortelle ; Otto Dix pointe ici du doigt la paresse de ses concitoyens, leur manque de lucidité quant à la montée du nazisme. 

La colère est représentée par une espèce de démon poilu, à gauche du groupe. 

L’orgueil est symbolisé par une grosse tête aux oreilles bouchées et à la bouche en forme d’anus. Cette grosse tête regarde vers le haut, ce qui lui donne un air hautain : c’est l’illustration parfaite de l’expression « gonflé d’orgueil ». 

La luxure danse derrière la paresse ; c’est cette femme échevelée, se touchant un sein tout en prenant une mine scabreuse (yeux clos, langue pendante). 

Enfin, dans le tout dernier plan, on peut voir la gloutonnerie, qui porte une espèce de marmite sur la tête.



Umineko no naku koro ni, Seven Stakes of Purgatory 
(Quand les mouettes pleurent, Les sept enjeux du Purgatoire),
jeu japonais, 2007,
les sept sœurs représentent les Sept péchés capitaux, avec de gauche à droite,
Asmodée la Luxure, Mammon l'Avarice, Satan la Colère, Lucifer l'Orgueil,
Leviathan l'Envie, Belphégor la Paresse et Belzébuth la Gourmandise.

TONOGAI Yoshita, Judge (Shönnen Manga), 6 tomes, 2012,
les neuf personnages aux masques d'animaux incarnent les Sept péchés capitaux,
avec de gauche à droite, le lion l'Orgueil, le cheval la Colère, les cochons la Gourmandise,
 le lapin l'Envie, le renard l'Avarice, les chats la Luxure et l'ours la Paresse.


ROEGIERS Antoine (né en 1980), Les Sept péchés capitaux (d'après Brueghel l'Ancien), 2011,
 vidéo de 18 mn 30 réalisée à partir de 92 dessins de 21x28,2 cm à l'encre sur papier animés par ordinateur. Extrait de 3 mn.



LA VIDÉO A ÉTÉ RETIRÉE 
Les Sept péchés capitaux, 2011, un film de G. DURAND, L. FAVIER, C. PIERSON,
 dans le cadre de leur dernière année d'étude à l'ISCOM : Communication multimédia, 3 mn 44.
Du blanc pur de la naissance à la couleur des péchés consumant l'être jusqu'au noir de la mort.





VIDOR Vuk (né en 1965), Les Sept péchés capitaux, 2013,
série de sept toiles de grand format avec couleur et symboles associés et de sept œuvres lumineuses.
Pride (l'Orgueil), 2013, huile sur toile de 195x150 cm (cheval-soleil-supplice de la roue-tour de Babel-paons-histoire de Lucifer-Narcisse-marcher avec des pierres sur le dos).
Pride (l'Orgueil), nom lumineux, 2013, aluminium sérigraphié et ampoules led, 94x35x8 cm, pièce unique.